Cinq questions à Rima Maroun, photographe et danseuse qui expose à Montpellier Danse

Photographe et cofondatrice de la compagnie de théâtre Le Collectif Kahraba, Rima Maroun fait partie de la relève artistique libanaise. Explorant le mouvement dans ses clichés, elle s’est immergée dans la danse contemporaine depuis quelques années. Elle expose son travail au festival Montpellier Danse et a créé pour l’occasion Les Pleureuses. Cette installation qui comprend photos et vidéos opère une parfaite jonction entre les différentes pratiques artistiques de Rima Maroun.

Les Pleureuses, Murmures, À ciel ouvert, Montpellier danse. Du 22 juin au 27 juillet.

Murmures. Photographie de Rima Maroun.

Les photos de Rima racontent des histoires, histoires de Beyrouth mise à nu et évidée par une urbanisation accélérée, histoires de ces enfants face au mur, histoires de ces femmes qui hurlent leur peine en chœur. Sa démarche évoque ces quelques mots de la chorégraphe Meg Stuart : « des textes sont écrits sur nos corps, ils contiennent nos histoires inachevées et celles des autres ». Les mouvements des corps et des objets, capturés par la pellicule de Rima, racontent l’histoire d’une ville et de ses habitants.

Dance from the mat : Tu es photographe et danseuse. La photographie, a priori statique et figée, peut-elle traduire le mouvement?

Murmures. Photographie de Rima Maroun.

Rima : Ce qui m’a toujours intéressée dans la photographie, c’est comment mes images pourraient évoquer un mouvement sans que je ne le montre explicitement ou que je ne l’illustre. C’est cette recherche que je place au cœur de la majorité de mes projets de photo. En particulier, ce qui me captive dans la relation entre la photographie et la danse, c’est qu’une image arrêtée d’un mouvement révèle ce qui est imperceptible à l’œil nu, sans le prisme de l’image.

Dance from the mat : Comment relies-tu entre elles la photographie et la danse dans ton travail?

Rima : La danse est mouvement. Je relie mes deux pratiques dans la mesure où je cherche, via mes images, à provoquer une expérience physique et sensorielle chez le spectateur. Cette démarche m’a amenée à me questionner sur la relation entre la photographie et la danse. De là est né mon dernier projet, « Les Pleureuses », présenté dans le cadre du festival Montpellier danse.

Dance from the mat : Tes photos parlent beaucoup du rapport des personnes, des corps, à leur environnement. Le projet Murmures, qui sera également présenté à Montpellier Danse, dépeint des enfants en contact avec des murs. Quelle est l’idée derrière ce projet?

Rima : Pendant la guerre, nos yeux étaient bombardés d’images d’enfants morts dans les décombres. Hantée par ces clichés, j’ai voulu créer d’autres images. Je souhaitais aussi parler du drame de la violence pour essayer de le comprendre. Les regards de ces enfants étaient si intenses que j’ai voulu les dérober au regard du public. J’ai donc travaillé avec des enfants face à des murs, en les montrant de manière statique ou, au contraire, en les mettant en mouvement. À travers ce contraste, mon intention était de susciter chez le public cette expérience physique et sensorielle que j’ai déjà évoquée.

Dance from the mat : Tu as créé le projet Les Pleureuses spécialement pour Montpellier Danse. Comment ce projet a-t-il vu le jour?

À ciel ouvert. Photographie de Rima Maroun.

Rima : Le projet des Pleureuses a émergé à partir d’une recherche  introspective et personnelle. J’avais envie de parler de la notion d’absence depuis longtemps. Au Liban, nous sommes souvent confrontés à des images de visages de disparus. Ces images nous entourent. Nous avons tous tellement entendu parler de femmes ou d’hommes morts soudainement, ou encore de personnes portées disparues, dont nous attendons encore le retour. Dans les Pleureuses, j’ai voulu pleurer sur l’absence, trouver le moyen de faire le deuil de tous ces absents. Une photographie est par essence la représentation de ce qui n’est plus, de ce qui est absent. Je me suis donc penchée sur la notion d’absence dans le cadre de mon travail, mettant la photographie et le mouvement en connexion.

Dance from the mat : Comment as-tu construit les Pleureuses?

Rima : Depuis l’antiquité, les pleureuses se livrent à un rituel qui aident les endeuillés à extérioriser leur peine. En répétant des mouvements et des paroles, je suis devenue pleureuse. J’ai photographié mon corps en larmes. J’ai multiplié, j’ai répété et j’ai dupliqué mes images, créant ainsi un chœur de trois pleureuses.

Danse avec moi – ou comment j’ai testé pour vous les installations et clips interactifs

Dimanche au Phonopolis, on a écouté des DJ raconter des histoires : le collectif PME-ART a présenté sa performance « le DJ qui donnait trop d’information » dans le cadre de l’OFFTA (snif, c’est fini) et a mixé pendant la party vinyles du FTA (il reste quelques jours).

Maintenant, à votre tour d’être à la fois DJ et VJ. Danse avec moi, une installation de Gregory Chatonsky à la Place des Arts, vous permet de décider de la bande-son qui vous plaît, tirant les ficelles de danseuses à l’écran.

Gregory Chatonsky a utilisé 157 vidéos trouvées sur Youtube d’adolescentes qui se sont filmées en train de danser dans leur chambre. Vous arrivez devant l’écran, vous plogguez votre i-pod ou vous utilisez celui qui est mis à disposition par l’équipe du FTA. Et vous choisissez l’artiste que vous voulez écouter : Aphex Twin? Joy Division? Crystal Castles? En fonction de votre choix, les mouvements des danseuses à l’écran changent de cadence. Le cadre et les mouvements sont toujours les mêmes, mais la cadence s’accélère ou ralentit, devient saccadée ou fluide. Au début, j’étais un peu déçue car je m’attendais à jouer la VJ en utilisant mes propres mouvements, via la détection de mouvement (motion detection). Mais en fait, cela passe par la musique, ce qui est assez logique finalement. Au final, c’est ludique, grisant et addictif. J’aurais pu y passer des heures si mon amie Julie n’était pas venue me chercher pour voir Cesena. Un petit regret : Lorsque je changeais de bande sonore, la vidéo changeait, ce qui fait que je n’ai pas pu voir la même vidéo sur plusieurs bandes-son.

L’installation a suscité des réactions diversifiées selon l’âge du public, les adolescents y passant par des heures, probablement parce que ce type de technologies et d’interactions leur sont familières et qu’ils s’identifient aux personnages sur l’écran. L’installation aurait-elle entraîné d’autres réactions si les personnages n’étaient pas des adolescentes sautillant et se dandinant dans leur chambre? Cela pourrait être des extraits de pièce de danse contemporaine, ou des personnes de tous âges, effectuant des mouvements de la vie quotidienne, dansant dans une fête, à une pratique de tango ou de salsa, faisaint du taichi dans un parc, etc. Le public aurait pu se sentir plus interpellé et vouloir jouer au DJ-VJ davantage.

La présentation de l’installation dans le programme dit qu’il s’agit d’explorer  » le rapport aux nouvelles technologies et le désir d’interférer dans le cyberespace ». On voit émerger de plus en plus d’installations et de vidéos interactives, qui font appel à la participation du public. On a déjà vu dans ce blogue que les spectacles de danse deviennent plus participatifs, et prennent des formes plus novatrices, en sortant des théâtres et en imposant des contraintes de temps ou de lieu (Short & Sweet, Piss in the Pool), en faisant intervenir les spectacteurs comme évaluateurs (comme dans les matchs d’impro les Imprudanses).

Désormais, on peut jouer avec les vidéos et les gens qui dansent dans les vidéos. Un bon exemple est la très belle vidéo d’Arcade Fire pour le morceau the Sprawls 2 (Mountains Beyond Mountains), de l’album The Suburbs (version non-interactive ici) réalisée par Vincent Morisset, où des zombies dansent dans une banlieue. Il existe une version interactive de ce clip, où vous pouvez influencer les mouvements des « zombies » (les personnes dansant les zombies sont parmi les meilleurs danseurs contemporains de Montréal, soit dit en passant) en cliquant sur eux (version click), ou en faisant des mouvements de main via webcam en modifiant leur vitesse grâce à la détection de mouvement (version dance). Mes impressions : c’est rigolo, la version click marche mieux pour moi que la version dance, je n’arrive pas à bien voir quel changement j’imprime sur les danseurs à l’écran, ce n’est pas assez précis à mon goût, ou peut-être s’agit-il d’une déformation de personne qui danse..

Vincent Morisset, collaborateur de longue date du  groupe montréalais, avait également réalisé en Flash le clip interactif de Neon Bible, très simple et efficace : sur fonds noir, vous pouvez manipuler les mains de Win Butler, découvrant au passage des cartes, des pommes, des bougies… Arcade Fire a également fait réaliser par Chris Milk une cybervidéo interactive en collaboration avec Google, pour le morceau « We used to wait » de l’album The Suburb : un homme à capuche court dans des rues désertes  et vous pouvez courir à la place de cet homme et avoir une expérience de ce qu’il voit propre à vous, grâce à une potion magique combinant Google Maps, Google Street View and plein de trucs très complexes HTML (je n’y comprends rien, c’est magique quoi).

À quand la prochaine vidéo ou installation où on pourra imprimer sa propre chorégraphie à travers les mouvements de son corps sur les danseurs à l’écran? Et Arcade Fire, à bon entendeur salut!

Installation Danse avec moi. Place des Arts, Salle d’exposition de l’espace culturel Georges-Émile-Lapalme, entrée libre, ouvert jusqu’à 20 heures. Jusqu’au 9 juin (la date en ligne du 7 juin est fausse).