Danse et yoga à Montréal : Quoi faire cette fin de semaine avec un petit budget?

Montréal n’a jamais été aussi effervescente, entre révolte des carrés et des casseroles et festivals. Pour les afficionados de la danse et de la performance, la ville est foisonnante de possibilités en ce moment. On a véritablement l’embarras du choix. Seulement, pas tout le monde a les moyens d’aller voir En Atendant ou Cesena d’Anne Teresa de Keersmaeker, entre autres spectacles alléchants.

Quelques suggestions de Dance from the Mat pour petits budgets amoureux de la danse, de la performance et du yoga :

– Aller écouter Rosas danst Rosas, un film de Thierry de Mey sur la création éponyme d’Anne Teresa de Keersmaeker. Demain vendredi 1er juin à la Cinémathèque québécoise. Un des plus beaux films de danse qui soient. Et pour la modique somme de 8 $, 7$ pour étudiants et aînés.

– S’en mettre plein les mirettes avec deux expositions dans le cadre du FTA,  Danse avec moi et Le corps en question(s). Entrée libre. La première à Place des arts, Salle d’exposition de l’espace culturel Georges-Émile-Lapalme. La deuxième à la Galerie de l’UQAM, du mardi au samedi, 12-18h.

– Dans le cadre du OFFTA, le Festival d’arts vivants off du FTA, savourer deux spectacles  vendredi et samedi soirs à l’Agora de la danse :  À 18H, Perhaps in a hundred years, par la compagnie de théâtre torontois Small Wooden Shoe, dont Ame Henderson, chorégraphe dont j’adore le travail.  12$ régulier / 10$ étudiants. Et un double programme par des chorégraphes montréalais, à 18h30, The wishing floor de Jana Jevtovic et Je suis un autre, de Catherine Gaudet. 20$ régulier / 12$ étudiants / 15$ prix de la relève (40 ans et moins).  Mieux vaut réserver.

– Profiter de l’hospitalité de PME-Art  : The DJ who gave too much information, au Phonopolis, 15h, dimanche, entrée libre.

– Et si vous êtes plutôt cinéma, au Goethe Institute de Montréal, vous dépayser les oreilles avec le film allemand « Qui le fera, sinon nous », puis s’informer et débattre à l’occasion d’une table ronde sur la désobéissance civile, en connexion avec le sujet du film et les événements actuels au Québec,  grève sociale et adoption de la loi 78. 7$, étudiants : 6$,

-Saluer le soleil dans le parc! Naada Yoga, gratuit. 12:30 – 1:30pm Parc Outremount St. Viateur & Bloomfield.

Citation de la journée

« C’est une grande illusion, cette conviction de « faire » : dans la réalité, on fait très peu, on réagit plutôt. Et je crois que c’est seulement en reconnaissant que la vie est plus grande et forte que moi, que je peux espérer avoir une vraie influence sur le monde. Bizarrement, c’est en sortant de l’égocentrisme qu’on peut donner du corps à son destin » Guilherme Botelho, entretien avec Fabienne Cabado pour le FTA

Pour un post sur Sideways Rain, le spectacle de Guilherme Botelho avec la compagnie Alias, présenté au FTA à Montréal, faites danser votre souris ici.

Let’s get physical !

Ce matin, j’ai pris un cours de pilates et danse contemporaine en petit comité dans un très joli studio à Montréal, avec Erin Flynn, danseuse contemporaine, chorégraphe, maman d’un petit Sy, enseignante de pilates, élève en formation de yoga, et j’en passe.

Je n’avais pratiquement jamais fait de pilates avant, ce qui a été l’occasion de la découverte d’une flopée de nouveaux outils de délicieuse torture-qui-nous-fait-du-bien, comme le « rouleau pâtissier à chair » (en langage pilates : rouleau ou roller) pour étirer ses muscles et masser les bandelettes de Maissiat. Savez-vous où se situe exactement ces fameuses bandelettes? J’avoue mon ignorance. Comme je suis fine et pour tous nous coucher moins niais et sur nos deux  oreilles ce soir, je vous mets un petit dessin. Le syndrome de la dite bandelette (syndrome de l’essuie-glace) provoque des douleurs latérales au genou et touche notamment les coureurs, les cyclistes et les randonneurs.

Le cours d’Erin, organique et holistique, à la fois énergisant et apaisant, est imprégné de notions et de principes provenant d’autres champs, qu’elle relie entre eux : yoga, technique Alexander, éducation somatique… Les parties pilates et danse contemporaine se nourrissent l’une l’autre. À la pause, j’ai demandé à Erin si elle faisait appel à la méthode Feldenkrais, que je détectais dans son enseignement. Erin me répondit que désormais les techniques corporelles ne sont idéalement plus cloisonnées mais sont interconnectées et s’alimentent entre elles. Ceci permet une meilleure conscience corporelle et un mouvement plus délié, organique, harmonieux et respectueux du corps.

Voici deux apprentissages que j’ai fait aujourd’hui, entre autres :

  • Personnellement, l’équilibre sur une jambe est un grand défi. Mon amie Julie, enseignante de pilates, m’a expliqué que c’est une question d’alignement. Cet alignement peut être compromis par des blessures. Selon le yoga, trouver l’équilibre est un processus permanent, à rechercher constamment, ce n’est pas un état statique : l’équilibre est relié à l’état émotionnel du jour. Tout ceci rentre en jeu. Toujours est-il que, pour moi, la posture de l’arbre, la posture du roi des danseurs, l’aigle et autres animaux volants ou soucoupes volantes sont des gageures, et que je m’entraîne en attendant le bus, plantée sur un pied comme un héron (les gens vous regardent bizarrement, mais ça peut être l’occasion d’échanges cocasses). Petit truc que j’ai appris aujourd’hui pour trouver l’équilibre : penser qu’on a un mur derrière soi et qu’on a trois jambes, dont une invisible. On tient donc sur sa jambe de serre (rectificatif jambe de terre! c’est un lapsus qui m’amuse, ancrée comme avec ses serres d’aigle) et sur sa jambe invisible, ce qui permet de rester droit et ne pas basculer le bassin d’un côté. Essayez, ça marche!
  •  Les gens qui dansent ont souvent tendance à basculer les hanches vers l’avant, ce qui cause un affaissement dans les lombaires et fait mal au dos. En position verticale, il peut leur être difficile d’avoir le bassin et le sacrum en position neutre, le coccyx vers le bas, sans basculer les hanches. Si vous êtes comme moi par rapport à cette tendance anatomique, au sol, les genoux pliés vers le plafond, il faut engager les abdominaux profonds pour ramener le sacrum en position neutre sans basculer les hanches.

Et enfin, quelque chose qu’on ne réapprend jamais assez, respirer en dansant, coordonner ses inspirations et expirations avec ses mouvements! Respirons en chœur alors.

N’hésitez pas à apporter vos sons de cloche, de casserole, à partager vos réflexions et vos expériences de mouvement.

Photo de la semaine : Suspension inversée

Photographie de Tanha Gomes, actuellement basée à Manaus au Brésil. Série Pénélope. Collaboration avec la danseuse Claire Camus.

Note : La rubrique « Photo de la semaine » de Dance from the Mat présente le travail d’un ou d’une photographe qui s’intéresse au mouvement quel qu’il soit, ou explicitement à la danse, au cirque, au théâtre, et à d’autres expressions corporelles. Les photographes présentés (ées) ont eu la grande gentillesse d’accepter d’être publiés. Certains d’entre eux seront des collaborateurs réguliers, puisqu’ils le souhaitent. Si vous vous intéressez au mouvement par le biais de votre caméra, vous pouvez suggérer une contribution par e-mail.

Short &Sweet ! Danser en-dehors des sentiers battus

Ce soir, le huitième cru de Short&Sweet, présenté par Wants&Needs Danse a investi les quartiers du Festival Transamériques à Montréal pour la deuxième fois consécutive. La consigne est simple : les chorégraphes ont carte blanche… pendant 3 minutes. Une fois ce temps écoulé, les … Lire la suite

Pollen à 90 mètres en direction du soleil : Frétillons vers le haut! Ou let’s dance version abeilles.

Saviez-vous que l’abeille, un insecte social, danse pour indiquer où se trouvent les fleurs à butiner? Les abeilles butineuses se livrent à deux genres de danse, la danse en rond et la danse frétillante, dite danse en huit.

Dans la danse en rond, l’abeille butineuse tourne une ou plusieurs fois d’abord dans le sens des aiguilles d’une montre, puis en sens inverse, et ainsi de suite. Cette danse est réalisée pour une source de nourriture proche, placée à 50-75 mètres de la ruche. Elle est d’autant plus énergétique et prolongée que la source est concentrée en sucre.

Dans la danse frétillante ou danse en huit, l’abeille butineuse frétille au niveau de l’abdomen à une fréquence d’environ 13 fois par seconde en se déplaçant en ligne droite. Ensuite, elle tourne et revient à son point de départ, et se remet à frétiller. L’abeille fait cette danse lorsque la source de nourriture se trouve au-delà de 90 mètres de la ruche. Au fur et à mesure que la distance s’allonge, la fréquence des séries de frétillements augmente et le nombre des cycles de danses en huit diminue.

En outre, la danse en huit est directionnelle. Lorsque la source de nourriture est placée dans la direction du soleil par rapport à la position de la ruche, les abeilles frétillent vers le haut. Quand la source est placée à l’opposé du soleil, les abeilles frétillent vers le bas. Et si la source de nectar ou pollen est placée à un autre angle par rapport à la ruche, les abeilles reproduisent l’angle entre la source et le soleil dans l’angle entre la danse et la verticale.

Ces danses de l’abeille constituent un véritable langage avec des dialectes selon les races d’abeille. En effet, chaque race adopte une convention de distance propre à elle, qui correspond à une fréquence spécifique de série de frétillements.

Parmi les invertébrés, seule l’abeille possède la faculté de danser pour communiquer. Et si les humains frétillaient de l’abdomen 13.4 fois par seconde au supermarché en secouant leur caddie entre le pot de beurre d’arachide et le pain? Faire son épicerie serait sûrement moins plate.

Performance de danse et musique à Moksha Yoga NYC

J’aurais tellement été y être mais nous y sommes par la magie de la technologie.

Performance par la violoniste Sarah Neufeld et la danseuse Britton Darby, co-fondatrices de Moksha Yoga NYC à l’occasion d’un party communautaire au centre cette fin de semaine

Sarah Neufeld, une de mes musiciennes préférées, originaire de Vancouver, est violoniste dans plusieurs groupes montréalais : Arcade FireBell Orchestre et The Luyas. Professeure certifiée de yoga, elle a fondé récemment avec d’autres personnes le centre Moksha Yoga* à New York. Elle explique dans son blogue Awkward Pose qu’elle fait toujours une heure de yoga avant ses concerts. Ceci lui permet de rester centrée et balancée. Elle poste régulièrement sur son compte twitter et son blog ce qu’elle voit depuis son tapis, Vue du tapis du yoga avec une bande-son.  Je trouve ceci particulièrement intéressant car le yoga, tout en aidant à retrouver un calme et une sérénité intérieurs, devrait également nous connecter au monde environnant, au milieu de vie et aux autres. Le « silence » interne, mais ouvert au monde, engagé même.

Sarah Neufeld s’est produite récemment en solo en tournée avec le saxophoniste Colin Stetson. Je suis impatiente d’entendre son futur album.

Si j’étais un instrument de musique, je serais un violon. (Et non pas une contrebasse, quoi qu’en disent les mauvaises langues 🙂 )

*Le Moksha Yoga est un yoga chaud, qui se pratique dans une pièce chauffée à une température de 38 à 41 degrés Celsius. Il a pour objectifs un apaisement de l’esprit, un regain d’énergie, un étirement profond et une détoxification.

« Je déteste les danseurs, j’aime les gens qui dansent »

En ouverture du Festival Transamériques, « Sideways Rain », une pièce de la compagnie suisse Alias, dirigée par le chorégraphe brésilien Guilherme Botelho : La traversée inlassable du temps par l’humanité, ou comment mettre tout le Théâtre Jean Duceppe en transe sur du Murcof.

Extrait du spectacle en vidéo

Si Sysiphe dansait

Dans la pénombre, 14 hommes et femmes entrent sur scène et marchent lentement à quatre pattes, du côté jardin vers le côté cour. Insectes? Mammifères rampants? Batraciens? Reptiles? Le mouvement s’accélère, la lumière s’accentue. Les personnes passent et repassent devant nos yeux, toujours dans la même direction. Elles ne s’arrêtent jamais, font à l’unisson les mêmes gestes très simples, chacune à sa manière. De profil, elles roulent sur elles-mêmes inlassablement. Puis, elles glissent. Elles marchent. Elles roulent à nouveau. Elles rampent. Elles courent. D’abord, elles regardent en avant, puis en arrière. Leur traversée semble se poursuivre lorsqu’elles sont hors de portée de nos yeux. Dans ce flux humain continu, on voit apparaître des variations de forme, de rythme, de vitesse, d’intensité, de fluidité.

Minorité en fuite? Survivants d’une guerre? Réfugiés politiques? Migrants clandestins? Citadins solitaires à la vie monotone? Amoureux transis? Ouvriers qui répètent les mêmes gestes? Hypnotisés et essoufflés par procuration, nous regardons les danseurs défiler pendant une heure, tels des Sisyphe incarnant l’inexorabilité du temps qui s’écoule et du destin, le fil conducteur de l’humanité.

Une seule fois, pendant la déferlante des corps, un homme est allé à contre-courant brièvement. Une autre fois, des personnes se sont prises par la main, brisant fugacement leur course par un moment d’intimité, avant de reprendre inlassablement leur mouvement.

Une rivière sur scène

Le titre de la pièce fait référence à la « pluie horizontale », à savoir les précipitations qui tombent à un angle droit par rapport à la pluie normale, généralement causées par des cyclones ou des vents très forts.

Guilherme Botelho, chorégraphe de cette pièce, directeur de la compagnie de danse Alias, désirait tenter de mettre une rivière sur scène. Au moment où il préparait cette pièce, son père venait de mourir. Qu’est-ce qui reste de notre passage sur terre, de nos existences, de nos actions, de nos échanges? D’où venons-nous? Où allons-nous? Qu’est-ce qui nous relie? Botelho s’est interrogé sur ces questions et a voulu travailler sur la notion très subjective de destin et sur les connexions tissées par les individus. Un jour, pendant que Botelho courait dans Genève, il vit une rivière. Il réalisa qu’une rivière était trop grande pour que l’on puisse visualiser son début et sa fin. S’il arrivait à reproduire le flux de cette rivière sur scène, alors il serait parvenu à représenter le destin. Pari réussi.

Une théâtralité graphique et interactive

Selon Guilherme Botelho, Sideways Rain est une « pièce-écran », que le public peut interpréter à sa guise. Les images qui se déroulent devant nos yeux ne racontent pas toute l’histoire. Pourquoi ces personnes passent et repassent? Que fuient-elles? Vers quoi courent-elles? Que se passe-t-il hors de notre regard? Botelho dit avoir entendu des lectures très variées et souvent insolites du spectacle, puisque les spectateurs y projettent leurs états d’âme, leurs réalités et leur vécu. La pièce n’est pas gaie ou triste, elle est voulue émotivement neutre pour permettre une « théâtralité interactive », dixit le chorégraphe. À l’instar des œuvres précédentes de Botelho, Sideways Rain est de la danse-théâtre mais un  autre genre de théâtre, plus graphique.

Une chorégraphie semi-improvisée sur Murcof

Les danseurs ont répété au préalable de petites phrases chorégraphiques, mais ne savent pas à l’avance lesquels ils font faire et combien de fois ils vont passer sur scène. Une personne leur donne des consignes chorégraphiques au hasard en puisant, en fonction du timing de la musique, dans plusieurs possibilités prédéterminées. Botelho désirait arriver à une fluidité naturelle, ce qui est une gageure. Ainsi, lorsqu’un « accident », un imprévu chorégraphique, se produisait pendant les répétitions, le chorégraphe élaborait des règles pour permettre aux surprises heureuses de se reproduire.

Selon le chorégraphe brésilien, il n’est pas facile d’être naturel sur scène. Il dit détester les concepts, la danse conceptuelle, les pas affectés sur scène, les danseurs : « Moi, je déteste les danseurs, j’aime les gens qui dansent ».

Force est de constater que, même si les mouvements sont simples, la pièce est très exigeante, à la fois physiquement et mentalement, pour les danseurs d’Alias. Elle fait appel à une très grande concentration. Les danseurs parcourent presque une dizaine de kilomètres. Ils doivent s’adapter en permanence, sortir et rentrer de scène continuellement et ce, tout en faisant chaque mouvement comme s’ils les faisaient depuis toujours. De nombreux mouvements sont réalisés de profil, ce qui révèle les moins imperfections. Enfin, bien que la fluidité soit naturelle, les mouvements des danseurs ne sont pas tous organiques. On pense par exemple à la course dans les fils, comme si les danseurs étaient happés par le bras par une force invisible.

Parfaitement appropriée à la pièce, la musique du compositeur électronique Murcof (mexicain, de son vrai nom Fernando Corona) joue un rôle primordial dans la construction d’une fluidité naturelle. Selon Botelho, elle aide à arrondir les angles et contribue à ce que les spectateurs entrent dans un état hypnotique.

Comment mettre un terme à l’infini?

La construction de Sideways Rain a présenté un défi majeur : tout comme le temps qui passe, elle n’a pas de fin. Or, comment terminer ce qui n’a pas de fin? Pour remédier à ce problème, Botelho a pensé à des fils qui apparaissent sur scène qui happent les danseurs : « Si on était au cinéma, les danseurs n’auraient pas touché terre ».  Ces fils représentent les liens entre les êtres humains et les traces, éphémères ou durables, que laissent les rencontres et les échanges. Ainsi, la pièce finit en spirale. La roue du temps reprend, le début et la fin se confondent.

L’image que je garderai à l’esprit lorsque je penserai à Sideways Rain sera ces roulés boulés de profil, avec les jupes des femmes qui s’ouvrent comme des corolles de fleur à chaque mouvement. Dans ce flot infini, beau et quelque peu mélancolique et grisâtre, j’ai trouvé merveilleuse l’expansion et la contraction de la robe rouge d’une des danseuses.